41. Frammenti (fragments de vie)
Mario Badaggliata est photographe. Sur son site, on peut voir défiler sur fond blanc, neutre, des objets récoltés parmi les migrants échoués sur l'île de Lampedusa. Il explique (en anglais, traduit maladroitement ici) que la vue de ces objets a été le déclencheur de son projet.
"Lampedusa propose un observatoire privilégié sur l'odyssée contemporaine de migrants transnationaux. Depuis plus d'une décennie, des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui sont arrivés sur cette petite île de la Méditerranée - plus proche de l'Afrique que de l'Italie - ont été privés de leurs biens et donné à un soi-disant «centre d'identification et d'expulsion"(CIE). Un tel acte de dépossession, en même temps réel et symbolique, a privé les migrants de leur identité, et de les transformer en de simples numéros. A côté de la perte de leurs biens personnels - destinés à être détruits, - migrants sont dépouillés de leurs droits fondamentaux. À la fin de leur long voyage, ils doivent faire face les lois et règlements de la «forteresse Europe» discriminatoires et insaisissables, même quand ils sont en quête d'asile politique. Le déclenchement de ce travail est venu de l'idée de lancer un projet visant à restaurer les objets, initiées par différentes associations et la bibliothèque régionale de Palerme. Donc, je me suis retrouvé dans un grenier sombre à Lampedusa, en face de dizaines de boîtes remplies avec des objets emportés par les migrants: des chaussures cassées, des vêtements, les paquets de cigarettes, des croix, des boussoles, des Bibles et des Corans, des journaux et des lettres personnelles. Initialement jeté dans le dépotoir de l'île, puis récupéré et stocké par un groupe de bénévoles locaux, membres de l'association Askavusa, ces fragments de vies des migrants aident à retracer les différentes subjectivités de leurs propriétaires, leurs visages, des voix, des histoires et l'expérience voyage. Ils évoquent également les attentes, les craintes, les désirs, avec leur besoin commun pour la survie."
Visiter son site, c'est oeuvrer pour l'humanisation des individus masquée par la stupeur du nombre. Mettre non pas un visage, mais une vie, sur chacun de ces gens qui ont espéré, rêvé, désiré dans leur fuite éperdue vivre et être accueillis dans cet ailleurs qu'est l'Europe. Non pas pour être riches, mais pour être libres, saufs, vivants, sans terreur, solidaires avec leurs communautés d'origine. Pour être des humains dignes.