Pas encore de mots-clés.
31. Sur les rives ensoleillées de la Méditerranée
Sur les rives ensoleillées de la Méditerranée, on compte les morts, Pour ça, on est très forts : compter les morts. Des noyés et encore des noyés, par centaines et par milliers. La Méditerranée est une mer sans pitié, ils la traversent sur de vieux rafiots, croyant que cette mer-là, leur mère à tous, les protègera. Ni « émigrants », ni « immigrés », eux « les migrants », comme on dit, sans port d’attache, ballotés d’un cargo à l’autre, d’un continent à l’autre. Des êtres en fuite, leurs beaux yeux noirs agrandis par la peur, mais brillants de courage, l’espoir agrippé à l’âme et une prière au bord des lèvres. Chacun prie son Dieu, le Dieu des miracles : qu’il n’y ait pas de tempête, que le bateau ne chavire pas, que le passeur ne les jette pas par-dessus bord, car alors, ce sera la fin. En plus, personne ne sait nager. Là d’où ils viennent, on ne leur a pas appris, personne n’y a pensé. Certains, de l’autre côté, n’y tenant plus, s’élancent à leurs secours, sur des bateaux solides et bien équipés, des bateaux dignes de ce nom d’où ils lancent des bouées, mais ils sont si peu nombreux, ces chevaliers des mers… Et sur les rives ensoleillées de la Méditerranée, de la belle Europe rêvée, les observateurs continuent à compter les morts, des noyés et encore des noyés, par centaines et par milliers, oui, compter les morts, pour ça, on est très forts…